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Dans le cadre de mes études, j’ai été amené à me pencher sur la question de la propriété intellectuelle, le domaine public et le droit d’auteur. La question m’a toujours intéressé, en tant que lecteur/spectateur d’abord, puis en tant qu’auteur. Dans les mois qui ont précédé, j’ai rédigé un mémoire de recherche sur les possibles évolutions du droit d’auteur face au développement du numérique, notamment dans les bibliothèques.

Les alternatives au droit d’auteur existent déjà, la principale étant l’utilisation des licences libres ou des licences de libre diffusion (ce qui n’est pas la même chose).

Les licences ouvertes et leurs enjeux

Cette partie est extraite de mon mémoire, que vous pourrez retrouver en intégralité à la fin de cet article.

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Entre les licences Creative Commons (pour les livres, musiques, vidéos), les licences GNU GPL (pour les logiciels) et autres licences Art Libre (pour les œuvres de l’esprit en général), les licences d’utilisation alternatives au droit d’auteur traditionnel sont nombreuses et diverses. Nous avons choisi de les présenter selon une approche de leurs caractéristiques plutôt que du contexte historique de leur apparition.

Les confusions entre les différentes licences sont courantes et le fait que la gratuité n’est pas une caractéristique des licences libres est souvent ignoré du public. En effet, une œuvre peut-être distribuée gratuitement, tout en étant protégée par le droit d’auteur (exemple : le film Home, de Yann Arthus-Bertrand sorti en 2009 était diffusé gratuitement dans les salles de cinéma qui le projetaient. Toutefois, le film restait entièrement protégé par le droit d’auteur et l’exploitation commerciale des produits dérivés du film étaient dévolus à la société de production). Au contraire, un auteur peut distribuer son livre sous licence Creative Commons en faisant payer le lecteur. Ajoutons à cela qu’un auteur peut tout à fait décider à tout moment de changer la licence sous laquelle il distribue son œuvre, c’est-à-dire changer les droits qu’il confère au public sur son œuvre.

En outre, les licences libres ne sont pas un modèle alternatif au droit d’auteur (sous-entendu situé à l’extérieur), mais au contraire en font partie. En revanche, elles constituent une expression différente de celle communément admise.

Les licences alternatives se caractérisent par une liste de ce qu’elles interdisent (ce qui n’est pas interdit étant autorisé). Nous allons présenter ces licences en commençant par les plus libertaires et en allant vers les plus restrictives.

Les licences libres (ou open source)

Les licences permissives

Les licences permissives se veulent être le plus proche possible du domaine public. Un auteur qui place son œuvre sous une licence permissive renonce à tous ses droits sur celle-ci.

Dans le domaine du logiciel, la licence permissive la plus connue est la licence BSD (Berkeley Software Distribution), tandis que dans le domaine du livre, de la musique et de la vidéo, il s’agit de la licence CC-BY. Dans les deux cas, la mention de l’auteur doit accompagner chaque diffusion de l’œuvre ainsi que chaque travail dérivé.

Dans le droit français, le droit moral impose de mentionner le nom de l’auteur pour chaque utilisation d’une œuvre. Toutefois, cette réglementation n’est pas en vigueur dans certains pays (aux États-Unis, par exemple). La licence CC0 a été créée pour permettre à l’auteur d’abandonner tous ses droits, dans les limites fixées par la loi. Aussi, en France, la licence CC0 est équivalente à la licence CC-BY. Toutefois, si la législation en vigueur venait à évoluer, la licence CC0 modifierait alors les restrictions liées à l’œuvre.

Les licences copyleft

Les licences copyleft sont issues d’une autre philosophie, celle qui a présidé à la création des licences libres (qui étaient au départ réservées aux logiciels) : la conservation du caractère libre sur les œuvres dérivées. Le principe appliqué est celui dit de « contamination » : l’auteur d’un travail dérivé devra nécessairement publié ledit travail sous la même licence que l’œuvre originale. Dans le monde du logiciel, la plupart des licences libres sont des licences copyleft (GNU GPL, par exemple). Parmi les licences copyleft les plus connues, on retrouve aussi la licence CC-BY-SA et la licence Art Libre.

Les licences de libre diffusion (ou licences ouvertes)

Contrairement à l’idée reçue, toutes les licences non-propriétaire ne sont pas qualifiées systématiquement de « licences libres ». C’est notamment le cas de plusieurs licences Creative Commons, celles incluant la mention ND (NoDerivs) ou bien la mention NC (Noncommercial).

Le terme de licence de libre diffusion englobe les licences libres mais aussi les licences non-libres facilitant la diffusion des œuvres.

En ce qui concerne les licences Creative Commons de libre diffusion mais non libres, elles sont au nombre de quatre :

  • Licence BY-ND : cette licence impose de respecter la paternité de l’œuvre (mention du nom de l’auteur) et empêche la création d’œuvres dérivées, ni la modification de cette œuvre. La licence considère que l’utilisation d’une musique pour illustrer une vidéo constitue une œuvre dérivée.
  • Licence BY-NC : cette licence oblige l’utilisateur à respecter la paternité de l’œuvre et empêche toute utilisation commerciale. Les œuvres dérivées qu’il aurait produites ne doivent pas non plus être exploitées commercialement. Tout avantage commercial ou compensation financière est considéré comme une exploitation commerciale.
  • Licence BY-NC-SA : cette licence regroupe les obligations d’attribution de l’auteur, d’usage non-commercial et de partage dans les mêmes conditions (en utilisant la même licence).
  • Licence BY-NC-ND : cette licence oblige à respecter la paternité de l’œuvre, empêche les utilisations commerciales de l’œuvre ainsi que les œuvres dérivées.

Les licences ouvertes (ou de libre diffusion) permettent, qu’elles soient libres ou non, une diffusion facilitée (notamment en bibliothèques). Pourtant, elles font l’objet de plusieurs obstacles, liés à une méconnaissance de celles-ci.

Une mauvaise interprétation des licences ouvertes

Les licences ouvertes souffrent parfois de mauvaises interprétations tant de la part des créateurs que du public.

Le public n’est pas suffisamment informé sur les possibilités des licences ouvertes. La confusion entre licences de libre diffusion, licences libres, copyleft, et gratuité sont courantes. Aussi, les restrictions apportées par certaines licences Creative Commons ne sont parfois pas respectées, sous prétexte qu’il s’agit d’une licence libre. Le respect de la paternité de l’œuvre est souvent occulté. Ainsi de la revue Livres Hebdo qui a publié un article en utilisant une photo sous licence CC-BY issue du catalogue Flickr, en omettant d’en citer l’auteur. Après un rappel à l’ordre par un lecteur, la revue a rectifié le tir.

Conversation sur Twitter illustrant les réticences envers les licences CC (avec des tweets de Livres Hebdo, Neil Jomunsi et Lilian Peschet.)
Conversation sur Twitter illustrant les réticences envers les licences CC (avec des tweets de Livres Hebdo, Neil Jomunsi et Lilian Peschet.)

Les auteurs peuvent être réticents vis-à-vis des licences ouvertes, en particulier les licences Creative Commons, du fait du potentiel bafouage de leurs règles par les utilisateurs. La complexité et la diversité des licences sont sources de confusion pour le public, pour qui il n’y a parfois que deux possibilités : le copyright et le domaine public (auquel les licences sont assimilées).

Les réticences des auteurs tiennent aussi au fait de leur propre méconnaissance du système des licences. Comme le grand public, ils pourraient croire qu’en plaçant leurs œuvres sous licence Creative Commons, ils s’en retrouvent dépossédés, alors que c’est impossible, même avec la licence CC0 (en tout cas dans le droit français). Les auteurs, ainsi que de nombreux acteurs de la culture, notamment politiques, ne voient pas l’intérêt d’une culture libre pour les auteurs. Il est vrai qu’on pourrait penser qu’une telle conception de la culture est incompatible avec une rémunération des auteurs. La culture libre leur offre pourtant de nombreux avantages.

Licences ouvertes et rémunération des auteurs

Le principal argument contre les licences ouvertes est qu’elle permet leur libre diffusion par tous, sans rétribution obligatoire de l’auteur. Même si l’œuvre a été mise en circulation par sa vente, rien n’empêche l’acheteur de la diffuser à son tour gratuitement (ou bien contre un paiement qu’il conservera, si la clause NC n’est pas appliquée). Pourtant, certains préféreront acheter le contenu par l’intermédiaire de l’artiste lui-même, en le soutenant ainsi financièrement.

L’absence de la clause NC pourrait être considérée comme une preuve de naïveté de la part des auteurs : pourquoi autoriser l’utilisation commerciale de son œuvre si l’on n’en retire aucun bénéfice ? Parce que le bénéfice n’est pas là où on l’attend. Comme leur nom l’indique, les licences de libre diffusion ont pour principal avantage de faciliter la diffusion d’une œuvre. La libre circulation d’une œuvre peut être considérée comme un point positif, dans la mesure où elle accroit la notoriété de son auteur, et donc de ses potentielles autres œuvres, qui ne sont pas nécessairement placées sous licence Creative Commons, d’ailleurs. (Les licences ouvertes ne s’appliquent pas aux auteurs, mais bien aux œuvres. Aussi, un auteur peut tout à fait combiner licences de libre diffusion et copyright.)

Aussi, celui qui parvient à vendre une œuvre placée sous licence Creative Commons devra effectuer un travail important de communication et de marketing, et donc contribuera à faire connaitre l’auteur de l’œuvre.

 

Cet article est le premier concernant le droit d’auteur ; d’autres suivront. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez télécharger mon mémoire de recherche. Cet article et ce mémoire sont placés sous licence CC-BY.

 

Et vous ? Utilisez-vous déjà les licences Creative Commons ? Lesquelles et pourquoi ? 

Commentaires(4)

    • Jérôme

    • 8 ans ago

    Dans ce cas, la licence CC-BY-NC-ND correspond exactement à ta demande.
    Et oui, bien sûr, toutes licences CC reposent sur une base juridique, reconnue par les tribunaux en cas de litige.
    Après, la meilleure manière de conserver tous ses droits sur son texte reste encore l’absence de licence : dans notre cas, la différence entre le CC-BY-NC-ND et le “Tous droits réservés” sur Wattpad est que le lecteur pourra copier et partager le texte dans le premier cas, alors que dans le second il ne pourra pas le faire (sauf par un lien hypertexte vers Wattpad).

    • erin

    • 8 ans ago

    humm ok,

    Le tout droits réservés serait mieux non ? Non seulement pour les problèmes de troll que pour “l’invitation” des lecteurs à venir sur la page de l’auteur directement pour lire ses écrits non?!

    je vais publier sur wattpad et scribay comment mettre mes ecrits en tout droits réservés ? 

    jerome alias obi wan kenobi (référence star wars ^^)

      • Jérôme

      • 8 ans ago

      Ce n’est pas à moi de dire ce qui est mieux. La CC-BY-NC-ND est une licence de libre diffusion tandis que le droit d’auteur traditionnel empêche (normalement) de diffuser le texte. C’est tout.
      Le “Tous droits réservés” est activé par défaut sur les deux plateformes. D’ailleurs, lorsque rien n’est mentionné (sur le web en général, et même partout ailleurs), le droit d’auteur traditionnel s’applique par défaut.

    • erin

    • 8 ans ago

    excuses moi si tu as mal pris ma demande. Vu que je m’y connaissais pas et que tu avais l’air de t’y connaitre, alors j’ai demandé. Je te remercie de ta patience et de tes éclaircissements…

    cordialement erin

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