Dans un groupe d’auteurs indépendants sur Facebook, j’ai suivi une conversation sur un sujet qui inquiète souvent lesdits auteurs : la protection de son manuscrit. J’ai réagi à certaines des réponses apportées en affirmant mon point de vue. Un article est tout de même plus approprié pour répondre à la question qui était posée :
Protéger… de quoi ?
Si l’on s’arrête à la deuxième phrase, on pourrait croire que l’on parle de protection physique : renforcer les coins, couvrir le livre, etc. Mais non, la “protection” ici fait référence à un procédé qui empêcherait des personnes mal intentionnées de s’attribuer la paternité de votre livre, voire des idées que vous y avez développées. En d’autres termes, c’est le plagiat qui est visé ici par cette mesure.
Une nouvelle source de revenus
Le fameux procédé consiste à faire appel à un prestataire externe à qui vous aurez délivré un exemplaire de votre travail, et qui l’archivera pour un temps, moyennant finance. Ce genre de sociétés insiste sur le fait qu’en procédant ainsi, vous serez soulagés de la crainte d’être plagiés. En réalité, il n’y aura que votre porte-monnaie qui sera soulagé. Car il n’y a pas de crainte à avoir.
Flatter l’égo des auteurs
N’est-ce pas un peu prétentieux de croire que son travail est tellement génial qu’il aura de grandes chances pour être volé ?
Nous sommes en 2017, et la production littéraire n’a jamais été aussi abondante. Dans toute cette masse, il est évident que des idées se retrouveront dans plusieurs histoires, fortuitement ou inconsciemment. L’inspiration de l’auteur provient de tout ce qu’il a déjà lu, toutes les histoires qu’on lui a déjà racontées, et qui ont marqué son inconscient. Dès lors il est logique de retrouver certains éléments dans ses propres histoires, issus d’ouvrages ou d’œuvres antérieurs. Pour autant, on n’a jamais accusé J.R.R. Tolkien d’avoir plagié la saga des Nibelungen, ni T.H. White d’avoir copié Thomas Malory. On retrouve pourtant, dans chacun de ces cas, des similitudes importantes.
La question de la “protection” de son manuscrit me fait souvent bondir, selon la manière dont elle est traitée. Souvent, elle témoigne à la fois d’un égo exagéré de la part de l’auteur, doublé d’une insulte envers les lecteurs (considérés comme de potentiels plagiaires), voire ici des correcteurs (il semblerait toutefois que l’auteur ne visait pas les correcteurs, à en lire les commentaires suivants). Moi, auteur génial, je protège mon manuscrit pour que vous, qui êtes dénués de tout sens créatif, ne puissiez vous attribuer mon travail. Je caricature, mais c’est le sens que je donne à cette mesure. La protection par des DRM sous-tend exactement le même type raisonnement.
Peu de risques
Le travail des prestataires sus-cités, c’est de vous faire croire qu’il y a un risque, et donc, qu’il est prudent et sage d’investir dans leurs services. Comment fonctionne donc cette protection qu’ils proposent ? Il s’agit en fait de prouver l’antériorité de votre travail face à celui d’un éventuel plagiaire. La date du dépôt doit donc faire foi devant la justice.
L’une des réponses à la question initialement posée sur le groupe Facebook m’a semblé tout à fait pertinente :
[…] Et, de toute façon, quel préjudice cela représenterait pour moi ? Si le plagiaire devient riche et célèbre grâce à mon travail, on en reparlera. Je commencerais par le remercier d’avoir porté mes idées à la connaissance d’un grand nombre de lecteurs. Et après, je lui ferai un procès. Mais la probabilité que cette succession d’événements se produise me semble très proche de zéro.
Sébastien Fritsch
Si vraiment vous tenez à apposer à votre travail une quelconque protection, rendez tout simplement ce travail public, c’est-à-dire publiez-le. Le dépôt légal à la BnF est gratuit et vous pouvez avoir confiance dans la pérennité de cette institution, qui collecte ainsi les ouvrages depuis 1537 (et votre porte-monnaie vous remerciera).
Crédit images : CC0 Jarmoluk / CC0 3dman_eu
Jean-Christophe Heckers
“La protection par des DRM sous-tend exactement le même type raisonnement.”
Oui, et non. Oui, parce que je suis tellement génial qu’on va forcément me pirater et qu’il faut que je prenne toutes mesures afin de contrer ce pillage. Non, parce que le piratage, plus joliment désigné “partage d’ebooks/musiques/vidéos”, qui frappe indistinctement, on peut chercher à l’éviter pour conserver l’espoir d’une juste rétribution d’un labeur harassant, et pas par crainte de se voir dépossédé de sa création.
N’empêche. Une caractéristique commune à protection & DRM, c’est de ne servir à rien, et d’être très facilement contournables si on s’y prend bien. Alors, à quoi bon ne pas se contenter de hausser les épaules ?
PS : le dépôt légal, il va falloir fournir un exemplaire papier, de préférence pas en impression à la demande, mais on peut toujours passer par des structures de publication qui se chargent des formalités même dans ce cas ; les éditions numériques sont (seraient?) pour leur part collectées automatiquement mais pas systématiquement.
Jérôme
Merci, Jean-Christophe, pour ton commentaire.
C’est vrai que le piratage frappe indistinctement, et comme tu le dis, ce ne sont pas les DRM qui vont le limiter.
En effet, j’ai omis de préciser que le dépôt légal coûte tout de même un exemplaire papier. J’ai aussi omis de préciser que c’était une formalité obligatoire pour les livres publiés en France. Par contre, je ne comprends pas ta remarque concernant l’impression à la demande : pourquoi ne serait-elle pas compatible avec le dépôt légal ? J’ai pour l’instant déposé 3 livres à la BnF, toujours en ayant recours à l’impression à la demande, et je n’ai pas rencontré de problème.
arnault
Bonjour, une autre manière consiste à s’envoyer en recommandé avec accusé de réception son oeuvre.ATTENTION : Ne surtout pas l’ouvrir et la conserver en l’état. C’est ce que je fais et cela marche bien.
Jérôme
Ou alors, encore moins cher : se l’envoyer par e‑mail (en utilisant un service de messagerie non auto-hébergé).
Sébastien Fritsch
Bonjour,
Je suis évidemment d’accord avec la majorité de l’article, à l’exception de deux détails : je ne m’appelle pas Stéphane et Fritsch, ça s’écrit Fritsch. ?
Cela étant, j’apprécie d’avoir été cité.?
Jérôme
Oups, désolé pour la double erreur ; je la corrige de suite. 😉