Si je séjourne dans l’unique hôtel de la commune, sur le rocher de Dzaoudzi, je devais passer l’essentiel de mon temps à Labattoir.
JOURS 2, 3, 4 : Labattoir
Labattoir, c’est le nom d’un village faisant partie de Dzaoudzi, qu’on appelle aussi parfois Dzaoudzi-Labattoir. Avec Pamandzi, ces trois villages recouvrent l’ensemble de Petite-Terre. Labattoir, c’est aussi là que se trouve la bibliothèque où je dois me rendre les 3 premiers jours.

66 rue de l'ancienne mairie
Je rentre l’adresse dans mon GPS. J’arrive dans le village de Labattoir, qui est beaucoup plus étendu que celui de Dzaoudzi. Je trouve la rue concernée. Je passe devant le numéro 22. Je suis encore loin d’y être, je poursuis. Jusqu’à quitter l’agglomération. Aurais-je manqué le 66 ? Non, il n’y a pas de 66. Une fois n’est pas coutume, l’adresse que l’on m’a indiquée n’est pas la bonne. En fait, celle-ci n’existe même pas ! Avec mon GPS qui perd sans cesse le signal, je décide de me garer dès que je le peux, dans le centre-ville, puis de demander mon chemin. « La bibliothèque ? C’est juste à côté de la mairie. » m’indique-t-on. La mairie, pas l’ancienne mairie, donc. On m’explique l’itinéraire et je m’y rend à pied ; je ne m’étais pas garé très loin, en fin de compte. En passant devant des bungalows placés dans la cour de l’Hôtel de ville, je vois le regard d’un Mahorais qui me suis : je crois que nous avons compris tous les deux qui nous étions. Je regarde mon téléphone : 8h55. Finalement, je suis quand même à l’heure. Le responsable de la bibliothèque m’accueille et m’explique que lui et son équipe occupent actuellement des bungalows en attendant la rénovation de leur équipement.
Et c’est parti pour trois jours de formation. Le midi, je déjeune avec l’un des informaticiens de la collectivité, qui m’emmène dans des endroits où je n’aurais pas eu l’idée d’aller. Je mange local : brochettes de viande, ailes de poulet frites, bananes frites, manioc frit, fruit à pain frit. Avec du piment si je veux. Je constate que je n’aime pas vraiment les accompagnements d’ici, mais qu’ils remplissent bien l’estomac. Nous mangeons avec les mains, dehors, et je regrette que des nuées de mouches rodent autour de nous.
Le soir, je mange au restaurant de l’hôtel. Il n’y a de toute manière guère de choix à Dzaoudzi. On m’avait parlé de la cherté de la vie à Mayotte, à cause de l’importation de la plupart des produits. Je n’ai pas vraiment pu le constater. La nourriture locale est plutôt abordable. La nourriture continentale est un peu plus chère, mais guère plus que dans certains restaurants métropolitains. Il faut noter que la TVA ne s’applique pas ici, ce qui compense les prix plus élevés.

Les Mahorais
Je n’aime pas dresser de généralités sur les habitants d’une région. Ça alimente les clichés. Non, les Corses ne sont pas des terroristes, les Nordistes ne sont pas consanguins et les Bretons ne sont pas (tous) alcooliques. Alors que dire sur les Mahorais ? J’ai trouvé certains d’entre eux très souriants et très sympathiques, mais à l’inverse, d’autres qui l’étaient moins. Comme partout, si je ne m’abuse.
Contrairement à ce que je pensais, beaucoup de Mahorais ne parlent pas français ou bien très mal, et le shimaoré reste la langue la plus pratiquée. À un moment, alors que les clients discutaient à propos du retard de l’un d’entre eux, je répond à celle qui venait de parler. Elle me regarde bouché bée. Sa voisine m’interroge : « Vous connaissez le shimaoré ? » Je lui répond par la négative. « C’est en shimaoré qu’elle vient de parler. » J’éclate de rire. Elle m’explique que certains mots français sont passés dans la langue locale. Il m’avait suffi de saisir 2 mots pour comprendre la phrase.
Pour ceux qui parlent français, je note avec étonnement une disparité sur les accents : beaucoup n’ont absolument aucun accent, ou bien très léger, d’autres en ont un très prononcé. Je suppose que l’absence d’accent chez certains s’explique par l’origine des enseignants, souvent métropolitaine, et par des études en métropole. Mais je me trompe peut-être.
Départ pour Bandrélé
Je quitte les clients en leur laissant toute la documentation dont ils pourraient avoir besoin et reprend ma voiture. Direction : Dzaoudzi, pour prendre la barge. J’avais déjà vu comment cela se passait pour avoir dîner juste à côté à plusieurs reprises. Les voitures, guidées par des “placeurs”, se rangent à l’intérieur du bac. Les piétons rejoignent les étages. Il n’y a rien à payer dans ce sens : ce sera au retour que je devrais m’acquitter d’un droit de passage de 15 € pour ma voiture. Une fois garé, je monte à l’étage moi aussi pour profiter de la vue.
La traversée dure à peine 20 minutes. À l’approche de Mamoudzou, la capitale économique de Mayotte, les conducteurs redescendent pour être prêts à repartir. Je suis le mouvement et me voici arrivé sur Grande-Terre. Mon GPS, sur le siège passager, m’indique la direction. Difficile de se tromper : il suffit de prendre à gauche, puis d’aller toujours tout droit, les routes n’étant pas très nombreuses à Mayotte. Pas très nombreuses, mais très fréquentées, pour ce qui est de Mamoudzou, en tout cas. Me voilà pris dans d’interminables bouchons qui ne cessent qu’une fois que je dépasse les villages dépendant de la capitale de Grande-Terre. J’arrive à Bandrelé alors que le jour tombe. J’ai mis 2h au lieu d’1h15. Finalement, les routes sont plutôt bonnes, en tout cas, les routes nationales. Par contre, les ralentisseurs disposés un peu partout nécessitent de ralentir excessivement, sous peine de sentir le pare-choc de sa voiture frotter contre le sol.
Dans le village de Bandrélé, je trouve le moyen de rater la rue où je devais tourner. Je fais demi-tour plus loin, mais mon GPS me propose un itinéraire alternatif. Le chemin est cahoteux, à peine praticable, mais je finis par arriver à bon port. Je me gare sous le porche de la maison tandis que la propriétaire arrive en même temps que moi.

L’endroit est magnifique. les chambres d’hôtes sont à l’arrière de la maison et donnent sur la piscine, qui elle-même, surplombe un jardin descendant jusqu’à la plage. Dans les arbres, on aperçoit parfois des chauves-souris géantes, beaucoup plus grosses qu’en Europe, donc, mais qui, pour une fois atteignent une taille raisonnable, celle de l’imaginaire collectif.
Après ce long trajet, j’hésite à reprendre la route pour aller dîner. Je décide d’y aller tout de même. Je reprends ma voiture et me rend dans l’un des deux restaurants du village.

Lorsque je rentre, je constate que ma place sous le porche est prise par une autre voiture. Je me gare à l’extérieur, le long de la palissade, mais en face de la sortie de garage du voisin, en espérant ne pas déranger.
Je m’endors. J’ai à présent 5 jours de vacances devant moi avant de reprendre une autre formation.
Sandero brasero
Il fait nuit. On frappe à la porte. J’entends le mot voiture. Pendant une seconde, je ne suis qu’à moitié surpris : ce doit être le matin et ma voiture gène. Sauf que ce n’est pas ce qu’a dit la propriétaire, et qu’il est à peine minuit. J’ai bien entendu ce qu’elle a dit : « Votre voiture est en train de brûler. »