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Il y a 15 ans, je participais au Prix des Incorruptibles, niveau 6e-5e. Il n’y avait aucune obligation, c’était une simple proposition de la documentaliste. Je fréquentai assidument le CDI et j’avais envie de participer à cet événement national ; je m’y suis donc inscrit. Le but était de lire une sélection de livres, puis de voter pour son livre préféré.

Je n’ai pas du tout respecté les règles : sur les sept livres proposés, j’en ai lu deux. Déjà à l’époque j’étais monomaniaque et ne m’intéressais qu’aux littératures de l’imaginaire. J’ai quand même voté pour mon préféré (c’était la première fois que je votais pour autre chose que pour les élections de délégués) : La rivière à l’envers, de Jean-Claude Mourlevat, qui a d’ailleurs obtenu la majorité des suffrages nationaux et remporté le prix.

Vous l’avez compris, je ne crois pas au concept de “prix du public”. Il est pourtant calqué sur celui de toutes les élections que l’on connait en France : les gens font leur choix entre les candidats et apportent leur suffrage sur un (et un seul) d’entre eux. C’est le principe du scrutin majoritaire, avec un ou plusieurs tours, utilisé dans la plupart des pays du monde. Je n’y crois pas non plus.

Les prix et concours faisant s’affronter plusieurs œuvres (qu’il s’agisse de livres ou non) et dont le jury n’est pas strictement défini et limité sont soumis à une autre dérive : la corruption. Ce n’est sans doute pas le cas du Prix des incorruptibles, mais plutôt des concours à l’audience plus limitée. On a tous déjà été sollicité sur les réseaux sociaux à venir liker la photo réalisée par un ami afin qu’il tente de remporter un concours dont on n’a jamais entendu parler. Je doute fortement que les gens qui votent à ce type de concours prennent le temps de lire / regarder toutes les créations en lice pour être sûr de leur vote. Non, ils votent pour leur ami par sympathie pour lui et c’est tout. Cette situation montre le problème : les vainqueurs de ce genre de concours seront ceux qui auront le réseau le plus étendu. Les plateformes comme Fyctia (cette dernière est coupable de bien d’autres torts) reposent entièrement sur ce concept et l’œuvre désignée comme vainqueur ne l’aura pas été de manière objective. Je ne jette pas la pierre à ceux qui y participent, mais plutôt à leurs organisateurs qui devraient se rendre compte du dysfonctionnement.

Dans l’absolu, les élections politiques sont biaisées de la même manière. On a toujours retrouvé des candidats issus des trois mêmes partis en tête de toutes nos élections depuis le début de la Ve République. Ce ne sont plus les idées ou les programmes qui priment, mais la notoriété des candidats, ce qui suscite depuis quelque temps la généralisation du “vote utile”. C’est notre système électoral qui empêche d’obtenir des vainqueurs suscitant l’adhésion de la majorité des citoyens.

Il existe pourtant de nombreuses manières de procéder à une élection, ainsi que le montre la vidéo suivante.

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En ce moment, on assiste à une multiplication des mouvements citoyens destinés à changer les choses. L’un d’entre eux, LaPrimaire.org organise une primaire citoyenne ouverte à tous et reposant sur un système électoral innovant : le jugement majoritaire. En novembre 2016, sur les 16 candidats admis à se présenter, 5 candidats furent qualifiés lors du premier tour. Les votants n’ont pas voté pour leur candidat préféré, mais se sont exprimé sur cinq candidats tirés au sort parmi les seize, en leur attribuant à chacun une mention allant de “Très bien” à “À rejeter”.

Des bulletins de vote dans le cadre d’une élection traditionnelle

Si tous les bords politiques sont représentés, on constate que la question de la démocratie a une place importante dans le programme des cinq finalistes. Depuis le 15 décembre et jusqu’au 30 décembre se déroule le second tour de cette primaire citoyenne. Tous les citoyens français majeurs sont invités à y participer. L’occasion d’expérimenter une nouvelle manière d’élire, sans doute plus démocratique que le vote traditionnel.

Le jugement majoritaire présente tellement d’avantages par rapport au scrutin uninominal à deux tours qu’il serait intéressant de le généraliser pour toutes sortes d’élections, pas seulement politiques. Le seul inconvénient est que ce mode de scrutin n’est pas aussi facile à expliquer que celui auquel on est habitué. Voilà pourquoi il est nécessaire de l’enseigner.


*Le titre est mal choisi, je vous l’accorde, puisque le mot voter signifie “exprimer son opinion, collectivement”, ce qui correspond aussi au jugement majoritaire.

 

Crédits photos : La rivière à l’envers, © Pocket
Bulletins de vote, par Supporterhéninois — Travail personnel, CC0.

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