Blog

Il y a quelques semaines, les Français ont voté pour élire leurs députés européens. A l’annonce des résultats, les journalistes et la classe politique se sont ému de la percée du Front national. Puis ce fut au tour des Français eux-mêmes, sur les réseaux sociaux notamment, de s’insurger contre ceux qui avaient voté pour les candidats frontistes (c’est-à-dire environ 25 % des votants), craignant revivre — à tort — une situation proche de celle de l’Allemagne des années 30.

Des personnes, des partis, des idées

Le problème avec les élections, quel que soit le pays (mais c’est particulièrement vrai en France), c’est que l’on vote pour des personnes, ou bien des partis, et non pour des idées. Certes, chaque parti a son programme politique, qu’il annonce en amont des élections, et qu’il applique ou non ensuite. En France deux grands partis se sont imposés au fil des dernières décennies : l’UMP (héritier du RPR et de l’UDF) et le PS. Le FN dispose lui aussi d’un certain ancrage historique. Les électeurs ont pris l’habitude de voter pour telle ou telle personne, tel ou tel parti. Ce qui saute au yeux quand on regarde la carte des résultats des dernières élections, ce sont deux tâches qui sortent du lot. La première, bien distincte, correspond quasiment au département de la Mayenne. Bleu clair, couleur de l’UDI, dont le candidat tête de liste pour la circonscription ouest est Jean Arthuis, un mayennais bien connu dans cette région. Et pour cause : il fut plusieurs fois ministre, est l’actuel président du conseil général de la Mayenne. Centriste convaincu, il est tout à fait favorable à l’Union européenne, fidèle à son maitre de pensée, Valéry Giscard d’Estaing. Et pourtant, les Mayennais ne sont pas plus européistes que les autres Français. On constate la même chose en Corrèze avec François Hollande, bien implanté dans cette région. C’est bien la preuve que les Français votent sans lire les programmes, mais en fonction de l’idée qu’ils se font d’un homme politique et de sa popularité. A partir de là, il devient évident notre système électif est une aberration.

Les gens votent pour “le moins pire”

Si l’on revient en arrière, jusqu’aux précédentes élections présidentielles, en 2012, on se trouve devant une autre anomalie dans le fonctionnement de la démocratie dans notre pays. Douze candidats se présentaient à la présidence de la République. Pourtant, dès le début, tout le monde savait qui allait finir au second tour : François Hollande et Nicolas Sarkozy, tous les deux représentants des deux partis historiques pré-cités. Pourtant, on ne peut pas dire que l’un ou l’autre fut très populaire en 2012. Sarkozy finissait son mandat en laissant une image de président hyperactif — mais en apparence seulement, et peu respectueux de l’expression de la souveraineté populaire (traité de Lisbonne qui reprend la constitution de 2005 auxquels les Français avaient dit non). Et au contraire, Hollande était surnommé du nom d’une marque de flan au caramel, allégorie d’un futur président mou. Pourquoi ont-ils donc fini au deuxième tour tous les deux ? Pour les raisons invoquées précédemment : ils sont issus de partis implantés durablement dans le paysage politique français. Ils se sont appuyés sur le paradoxe du “vote utile” qui consiste à voter pour ceux qui selon la coutume auront un important nombre de voix, et barrer ainsi l’accès du candidat frontiste au second tour (et par la même occasion l’accès de tous les autres candidats).

Mais ce sont bien eux qui se sont affronté au 2è tour. Lorsque les Français ont voté pour élire l’un des deux, ils n’ont pas réellement voté pour François Hollande, ils ont choisi celui qui leur semblait “le moins pire”. Parmi les votants, 48 % ont voté pour François Hollande, 46 % pour Sarkozy et 6% ont voté blanc ou nul. Notre actuel président a donc été élu par une minorité des électeurs, il n’a pas eu la majorité absolue, même pas au 2è tour. (Mais le système actuel ne prend pas en compte les votes blancs et nuls, donc Hollande a été élu officiellement avec 52 % des voix.)

On se retrouve dans un système où les mêmes personnes se retrouvent toujours au pouvoir, avec des idées similaires.

Ce système est ordinairement appelé “démocratie représentative”. Pourtant, lorsqu’au Vè siècle avant J.-C., Clisthène réforme la politique athénienne pour donner plus tard naissance à la démocratie, l’organigramme n’avait rien à voir avec ce que nous connaissons actuellement.

La vraie démocratie

Étymologiquement, le terme démocratie signifie un régime dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple. Si l’on considère les régimes politiques d’Europe de l’Ouest par exemple, ils se définissent tous comme étant des démocraties. En effet, ce sont les citoyens qui, en votant, ont élu leurs représentants aux différents échelons : commune, département, région, État.

Le mot démocratie s’opposait à ceux de monarchie (le pourvoir d’un seul) et d’oligarchie (le pouvoir de quelques uns). Mais si l’on regarde plus attentivement nos régimes politiques, on pourrait aussi bien dire que nous sommes dans une oligarchie, et même que ce mot qualifie mieux notre régime que celui de démocratie. Qui exerce le pouvoir ? Qui se retrouve aux fonctions clés (présidents, députés, sénateurs…) ? Des hommes (et femmes) politiques. Cela signifie donc que le commun des mortels ne peut pas accéder à ces postes ? En théorie, il le peut, mais la complexité des lois ne les réserve qu’à une petite partie de la population, une élite ayant fait ses études à Sciences Po, ou l’ENA. Et c’est d’ailleurs ainsi qu’Aristote définit ces deux régimes : « Il est démocratique, par exemple, de tirer au sort les magistrats ; oligarchique de les élire » (Aristote, Les politiques, livre 3, chapitre 9). Montesquieu allait dans le même sens : « Le tirage par le sort est de la nature de la démocratie ; le suffrage par le choix est de celle de l’oligarchie » (Montesquieu, De l’esprit des lois, livre 2 chapitre 2).

Et pourtant, si l’on remonte au temps où la démocratie fut inventée, la politique n’avait rien à voir. Dans l’esprit athénien, tous les citoyens devaient participer à la vie politique. Ainsi, la Boulè (ancêtre de nos assemblées législatives) était composée de bouleutes tirés au sort, tandis que l’Ecclesia était censée regrouper tous les citoyens (ce qui était en fait impossible dans la pratique ; seuls 10% assistaient aux réunions). Pour que chacun puisse exercer ses droits civiques, un dédommagement financier était prévu. Seuls les magistrats (dont les stratèges, responsables militaires) étaient élus, puisqu’on considérait que certaines tâches exigeaient de posséder certaines compétences.

Du tirage au sort

File:AGMA Jetons identité.jpg
Jetons de terre cuite utilisés probablement comme pièces d’identité ou jetons de tirage au sort pour des magistratures civiques. Vers 450–425 a. C. Musée de l’Agora antique d’Athènes

Qu’en est-il en France, de cette démocratie ? Aujourd’hui, des centaines de Français œuvrent pour la promotion de ces idées. Les sites Le Message et La Vraie Démocratie (si vous avez plus de temps) vous expliqueront très bien les enjeux, les avantages et les inconvénients de tel ou tel système. Ce n’est pas utopique, ce n’est pas une idée lancée en l’air. Lors des deux dernières élections (municipales et européennes 2014), plusieurs listes constituées de citoyens tirés au sort se sont portées candidates.

Crédits photos :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience de navigation et à des fins statistiques. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer